Le Grand Tour: Québec, Louisiane
jeudi 3 décembre 2015
Auto-générateur iPhone
Aspirine
Je vais me préparer et la météo du grand prix de la musique de faire des photos avec des potes qui ont été tués le monde à un moment où tu vas voir ce film est déjà dans votre vie privée pas pour autant que moi aussi j'ai envie que ça fasse du bien de temps en temps réel sur la route de ma part de demain matin pour aller chercher mon chargeur frérot qui est en train de se rendre à l'évidence
Granite
Selon les autorités américaines de ma vie à un point de vue que tu veux pas dire que c'est une question de temps avant que je ne sais pas comment on peut s'attendre à une playlist YouTube et je me sens bien dans ma chambre par rapport au calme est-ce que vous êtes d'accord avec moi
Gens
Je ne suis plus en ce qui se passe dans la rue dans le monde la même source de sécurité et de son père qui a été la première fois que j'ai vu que c'est une question sur la photo du monde la tête du gouvernement de la musique le temps de faire des économies d'énergie à un moment où il est trop beau pour être heureux sans argent et le pire c'est que tu veux pas que les autres pays européens aient fait des années de ma part en vacances à l'étranger pour la France et de son père qui me concerne pas
Liberté
Genre tu es une femme qui se passe dans la rue dans le monde la fourniture et le plus beau jour où t'y es pas mal mais il a été la première fois que tu es une femme qui se passe dans la rue dans la tête du championnat du tout à l'heure actuelle je ne suis plus en ce qui se sont pas les mêmes choses à dire sur la photo du monde la même source de sécurité et de son père qui a été la première fois que tu es un homme de ma classe le dossier du tout à l'heure actuelle je ne suis plus en ce qui se sont pas les mêmes choses à dire sur la photo du monde la première fois que tu as un problème avec le président
Train
Je vais faire une petite sieste en rentrant chez moi pour les gens qui sont pas les mêmes choses que l'on ne peut pas être en mesure de la musique qui se passe bien dans mon lycée et de ses lecteurs à un point de vue sur la tête du championnat du monde sans-papiers en grève générale des travailleurs du dimanche matin dans les années à venir à bout portant sur la route
Je vais me préparer et la météo du grand prix de la musique de faire des photos avec des potes qui ont été tués le monde à un moment où tu vas voir ce film est déjà dans votre vie privée pas pour autant que moi aussi j'ai envie que ça fasse du bien de temps en temps réel sur la route de ma part de demain matin pour aller chercher mon chargeur frérot qui est en train de se rendre à l'évidence
Granite
Selon les autorités américaines de ma vie à un point de vue que tu veux pas dire que c'est une question de temps avant que je ne sais pas comment on peut s'attendre à une playlist YouTube et je me sens bien dans ma chambre par rapport au calme est-ce que vous êtes d'accord avec moi
Gens
Je ne suis plus en ce qui se passe dans la rue dans le monde la même source de sécurité et de son père qui a été la première fois que j'ai vu que c'est une question sur la photo du monde la tête du gouvernement de la musique le temps de faire des économies d'énergie à un moment où il est trop beau pour être heureux sans argent et le pire c'est que tu veux pas que les autres pays européens aient fait des années de ma part en vacances à l'étranger pour la France et de son père qui me concerne pas
Liberté
Genre tu es une femme qui se passe dans la rue dans le monde la fourniture et le plus beau jour où t'y es pas mal mais il a été la première fois que tu es une femme qui se passe dans la rue dans la tête du championnat du tout à l'heure actuelle je ne suis plus en ce qui se sont pas les mêmes choses à dire sur la photo du monde la même source de sécurité et de son père qui a été la première fois que tu es un homme de ma classe le dossier du tout à l'heure actuelle je ne suis plus en ce qui se sont pas les mêmes choses à dire sur la photo du monde la première fois que tu as un problème avec le président
Train
Je vais faire une petite sieste en rentrant chez moi pour les gens qui sont pas les mêmes choses que l'on ne peut pas être en mesure de la musique qui se passe bien dans mon lycée et de ses lecteurs à un point de vue sur la tête du championnat du monde sans-papiers en grève générale des travailleurs du dimanche matin dans les années à venir à bout portant sur la route
mardi 1 décembre 2015
Cent ans, cent lignes: Publié en Acadiana Profile, le 1er décembre 2015.
Cent
ans, cent lignes
Il
y a cent ans, le surintendant d’éducation de la Louisiane était T. H Harris, un
poste qu’il a occupé pendant 32 ans, de 1908 à 1940. Ce nom est surtout connu
en Acadiana comme celui du campus de l’école technique aux Opélousas ou, avant
la création de TOPS, la bourse universitaire éponyme. M. Harris était
originaire de la paroisse Claiborne dans l’extrême nord de l’état à la
frontière des Arkansas. Dans sa longue carrière d’éducateur il a rempli
plusieurs postes un peu partout en Louisiane. Il a étudié aux Natchitoches à
l’École Normale, aujourd’hui l’Université du Nord-ouest de l’État, et enseigné
à Winnsboro, au Lac Charles, aux Opélousas et au Bâton-Rouge. Pendant son
mandat, plusieurs programmes pour l’amélioration de l’éducation ont été mis en
place : la titularisation des enseignants, les standards de certification
et la retraite des employés. Il a aussi créé les écoles techniques et un
système de financement partagé entre les paroisses et l’état. Les politiciens
louisianais continuent à fignoler ces bases de l’éducation actuelle qui ont été
formulées à cette époque. Mais un acte qui est passé en 1916 sous Harris et qui
n’est pas forcément associé avec lui a eu des conséquences néfastes qu’on
essaie de rectifier depuis presque cinquante ans.
Harris
a promulgué un ordre en 1915 qui décrétait que la langue anglaise serait la
seule permise dans les écoles louisianaises. L’année suivante, la loi sur l’assiduité
obligatoire forçait les familles partout dans l’état de scolariser leurs
enfants sous peine d’amende, voire de prison. Comme grand nombre d’eux vivaient
dans une pauvreté extrême, n’ayant donc pas les moyens de payer les sanctions,
ils n’avaient pas d’autre choix que de mettre leurs enfants sur le chemin de l’école
pour la première fois de leur vie. Des milliers d’enfants louisianais se sont
trouvés dans une salle de classe où ils ne comprenaient rien à ce que la
maîtresse, souvent francophone elle-même, disait en anglais, au lieu d’être
dans les clos de coton ou sur les bateaux de pêche où ils servaient de
main-d’œuvre utile à leurs parents. On peut difficilement argumenter de nos
jours que les petits étaient mieux à l’ouvrage qu’à l’apprentissage de
l’alphabet, mais on peut affirmer que la transition aurait pu se passer de
façon moins brute. La loi sur l’assiduité obligatoire a également autorisé la
punition corporelle contre les enfants. Les témoignages d’enfants forcés à
s’agenouiller sur du riz ou du maïs ont été largement documentés, ainsi que
d’autres humiliations, comme le fait de se souiller parce qu’on ne savait pas
demander la permission d’aller aux toilettes en anglais. La plus répandue et la
plus connue était sans doute l’écriture cent fois de ce que le poète Jean
Arceneaux appelait « ces sacrées lignes » : « I will not
speak French on the school ground. »
Cette
punition était d’autant plus pernicieuse quand on considère qu’à l’époque, les
élèves devaient fournir leur propre papier. Beaucoup d’enfants récupéraient le
papier blanc qui enveloppait le pain car leurs parents n’avaient pas les moyens
d’en acheter. Ça faisait qu’après les cent lignes, ils n’avaient pas de papier
pour faire les leçons. Une double punition, une fois pour la pauvreté et une
deuxième pour parler français.
Le
surintendant Harris s’est escrimé pour l’avancement de l’éducation selon les
normes de son temps; on ne peut douter de sa sincérité. L’Amérique au début du
siècle précédant subissait d’énormes changements et par l’industrialisation de
l’économie et par la diversification de sa population. À plusieurs reprises dans
de nombreux discours publics et de correspondance personnelle, Teddy Roosevelt
répétait l’idée que l’Amérique n’avait de la place que pour une seule langue,
la langue anglaise, et que le creuset devait produire des citoyens américains
loyaux et non pas « des pensionnaires polyglottes de passage ». C’est
avec cet état d’esprit que notre pays est rentré de pleins pieds dans le XXe
siècle.
De
nos jours, la question de l’immigration et de l’assimilation est toujours
d’actualité et soulève bien des passions. Toutefois, depuis une centaine d’années,
notre expérience en Louisiane montre clairement que notre pays est assez fort pour
supporter une grande variété de gens qui font partie intégrante de la nation
américaine et qui donnent lagniappe à tout le monde.
jeudi 1 octobre 2015
Le Drapeau d’Acadiana. Publié le 1er octobre 2015 dans Acadiana Profile
Le
Drapeau d’Acadiana
On
célèbre les 250 ans de l’arrivée des Acadiens en Louisiane menés par « Beausoleil »
Broussard avec le Grand Réveil Acadien 2015 cet octobre. Dans toute l’Acadiana
et au-delà, du Lac Charles jusqu’à la Nouvelle-Orléans, on fête cet évènement
centré autour de Lafayette et des Festivals Acadiens et Créoles. L’ajout de
l’ingrédient acadien à notre gombo culturel était déterminant. On ne serait pas
Acadiana sans les Acadiens. On constate un autre anniversaire important, le
cinquantième de la création d’un symbole qui est devenu au fil des ans une
représentation de fierté et d’identité et qui, ces dernières semaines, a pris
une ampleur que ces origines ne pouvaient pas présager. En 1965, le Pr. Thomas
Arceneaux a conçu le drapeau d’Acadiana à partir de plusieurs images synthétisant
ainsi un emblème de notre état qui rivalise la mère-pélican déchirant sa
poitrine pour nourrir ses petits.
On
connaît que l’invention du mot Acadiana était accidentelle. Un jour en 1963, la
toute nouvelle station de télévision à Lafayette, KATC, a reçu une facture avec
une faute de frappe qui allait laisser une empreinte indélébile sur le pays.
Fondée sous le nom de « Acadian Television Corporation », par
mégarde, quelqu’un a ajouté un « a » à la fin du premier mot.
Quelqu’un d’autre avec un sens fin du marketing a trouvé que le nom
« Acadiana » sonnait bien et décrivait la région qu’on cherchait à
desservir. Il existe une autre version de cette histoire qui, selon l’historien
Shane Bernard, attribue son origine au journal de Crowley Daily Post qui aurait
créé l’appellation pour désigner la seule paroisse d’Acadie. Il y avait
peut-être un rapport entre les deux; quoi qu’il en soit, le mot a pris de l’ampleur
quand le drapeau a été présenté en public. En 1971 la législature louisianaise
a créé la région sud de l’état composée de 22 paroisses nommée Acadiana; trois
ans plus tard, le drapeau du Pr. Arceneaux a été officiellement reconnu pour la
représenter.
Le
triple symbolisme du drapeau, à la fois acadien, français et espagnol, annonce
notre diversité. L’étoile de Marie, la fleur-de-lis et le château de Castille,
en combinaison avec le bleu, blanc, rouge et or, sont aussi reconnaissables
pour nous que l’Union Jack des Britanniques ou la couleur verte des Irlandais. On
le voit flotter partout chez nous et nos compatriotes l’ont fait déferler dans
des pays lointains. Nos jeunes l’ont pris à cœur en l’arborant avec fierté. C’est
tout juste si on ne lui prête pas allégeance comme à la bannière étoilée.
Pourtant,
depuis la tragédie de la fusillade à Lafayette, il semble que ce drapeau est
encore plus signifiant. On déplore ainsi le décès de deux jeunes femmes; Mayci
Breaux et Jillian Johnson étaient symboles elles-mêmes de tout ce que notre
culture offre de beau et de précieux. C’est d’autant plus insensé et ironique
que l’une d’elle ait repris ce drapeau et d’autres marques de notre identité
afin de les transformer et les moderniser pour une nouvelle génération
d’activistes. C’était tout à fait approprié que le cercueil de Mme Johnson fût
couvert de ce drapeau. De toutes mes années dans la lutte pour la défense et
l’illustration des langues et cultures francophones de Louisiane, je n’avais vu
ça que deux fois avant. La première fois, c’était pour le Juge Allen Babineaux
qui, en plus d’avoir été un juriste francophone hors pairs, était sans doute le
plus grand promoteur de ce drapeau. La deuxième, c’était pour Richard Guidry,
l’éducateur et le linguiste à qui le Dictionnaire de français louisianais est
dédié. J’avais l’énorme privilège d’avoir eu ces deux hommes en tant que modèle
et mentor. On ne peut pas suivre de meilleur exemple pour vivre notre histoire,
notre langue et notre héritage. Justement mais tragiquement, la troisième était
Mme Johnson. Ils étaient tous les trois des combattants d’Acadiana, des soldats
pour l’affirmation de nos valeurs et de notre identité. À leur manière, ils se
sont battus pour la cause d’Acadiana. Ce n’est peut-être pas un symbole pour
lequel on peut mourir, mais ça vaut la peine qu’on vive pour ce que ce drapeau
exprime. Ayez une petite pensée pour eux la prochaine fois vous le voyez
s’agiter dans la brise et soyez fier de vivre en Acadiana.
dimanche 2 août 2015
Souvenirs de Betsy -- publié dans Acadiana Profile août-septembre 2015
Souvenirs de Betsy
La moquette était râcheuse contre ma
peau. Je dormais parterre parce que presque toute ma famille, la moitié de mon
voisinage au Canal Yankee étaient entassés dans une seule chambre d’hôtel en
ville. Je me suis réveillé au milieu de la nuit quand mon petit cousin qui
n’avait pas encore six mois s’est mis à brailler. Son lit était deux fauteuils
placés face à face. Sa mère l’a réconforté et je me suis rendormi en frottant
ma main sur cette moquette rude. Je sentais le plancher bouger et je ne le
trouvais pas étrange. Ça m’a bercé. Quand le soleil rentrait par la fenêtre le
lendemain matin quelques heures plus tard, ma sœur et moi, nous avons pressé
nos visages contre la vitre à plusieurs étages d’hauteur. La rue toute trempe
en bas était complètement déserte, du débris partout et des carreaux cassés au
Kastle Burger sur Baronne. C’était le 10 septembre 1965, j’avais six ans et
Betsy venait de passer. Ce sont quelques uns de mes souvenirs de notre
évacuation à l’Hôtel Roosevelt. Les adultes disaient qu’on ne pouvait pas
rentrer à la maison, si on avait toujours une maison, pas avant quelques jours,
pas avant que les eaux ne se retirent et surtout pas avant qu’on n’eût des
nouvelles des hommes de la famille. Mon parrain, qui était avec nous parce
qu’il a conduit les femmes et les enfants en ville dans le dernier char à
traverser le pont du Mississipi, croyait que le gouvernement avait ensemencé
l’ouragan; c’est pour ça qu’on n’en avait jamais vu d’aussi effrayant.
Je ne sais
pas combien de jours on est resté là, mais les nouvelles arrivaient à
compte-gouttes. Tous nos proches ont survécu; notre maison était toujours là,
mais elle avait pris de l’eau, à tel point que mon père avait trouvé de grosses
crabes et une serpent dedans. La Garde nationale allait nous dire quand nous
pouvions rentrer. Nous sommes éventuellement retournés chez nous pour retrouver
notre maison et notre voisinage qui s’en étaient pas mal tirés de l’affaire.
Nous avions une maison, mais pas grand-chose d’autre : pas d’électricité,
pas de manger et pas d’eau potable. La danse de la flamme, la lumière et les
ombres des lampes à globe restent dans ma mémoire. Souvent après le passage
d’un ouragan, le temps devient torride; l’après-Betsy n’a pas failli à la
règle. La recherche de gros blocs de glace nous occupait beaucoup. La fraîcheur
était une denrée rare. Un soir, n’en pouvant plus de la chaleur, toute la
famille est allée s’asseoir à l’entrée de la manche près du bayou dans l’espoir
d’attraper une fraîche. Cela n’aurait rien eu d’étonnant sauf que nous ne
portions que nos sous-vêtements. Nous sommes restés là jusqu’à ce que la Garde
nationale passe pour nous inviter à respecter le couvre-feu et de rentrer chez
nous. Je ne sais pas ce qu’ils pensaient de nous.
Malgré la destruction et la pénurie
autour de nous, la vie s’est reprise. Le marchand Duffy Lafont avec son magasin
éponyme, Duffy’s Supermarket, a rouvert ses portes le plus vite possible. Il
n’y a pas beaucoup de produits à offrir et les murs à l’arrière s’étaient séparés
à un coin. Je ne peux pas imaginer un propriétaire de nos jours qui laisserait
rentrer des gens avec son magasin dans un état pareil, mais on manquait de tout
et M. Lafont faisait tout son possible pour aider la communauté. Ce n’est qu’un
petit exemple parmi des milliers de la culture de solidarité qui nous a permis,
encore une fois, à surmonter un coup dur.
Pour un
enfant de six ans, c’était des expériences plutôt amusantes. Avec cinquante ans
de recul, ils m’évoquent une drôle de nostalgie. Asteur je me rends compte que
nous étions plus chanceux que d’autres. Nous sommes restés trois semaines sans
électricité, le monde de la Pointe-aux-Saucisses beaucoup plus. Certains ont
tout perdu, la plupart n’avait que peu pour commencer. Le reste, tout moisi,
était jeté dans le bayou. En tout, 81 personnes sont mortes et les dégâts
s’élevaient à 1,42 milliards de piastres en 1965, dix fois plus en argent
d’aujourd’hui. D’autres ouragans avant et après ont fait plus de ravages, comme
Katrina et Rita desquels on commémore les dix ans aussi, mais c’était Betsy qui
m’a bercé dans ses bras cruels la première.
vendredi 29 mai 2015
Vive le Québec! Vive le Québec libre! Publié dans Acadiana Profile Juin-Juillet 2015
Vive
le Québec! Vive le Québec libre!
Les
influences ayant formé l’Acadiana sont multiples. L’arrivée et l’établissement
des Français, des Créoles, des Acadiens et des peuples non-francophones, tels les
Africains, les Allemands, les Italiens, les Irlandais, les Anglo-américains,
ainsi que de nombreuses tribus amérindiennes déjà sur place, sont souvent
évoqués. Un ami québécois m’a récemment fait remarquer que parmi tous ces liens,
on a tendance à oublier ceux avec la Belle Province. J’ai dû admettre que
malgré le soutien crucial que le Québec nous a apporté au début du mouvement
pour la renaissance du français en Louisiane, on n’évoque qu’à peine leurs
contributions. Il faut rectifier cette omission.
Lorsque
la Louisiane a été fondée en tant que colonie en 1699, c’était sous l’égide
d’Iberville, né à Ville-Marie en Nouvelle-France, aujourd’hui Montréal au
Québec. La Nouvelle-France a existé depuis l’arrivée de Jacques Cartier en 1534
jusqu’à la fin de la Guerre de Sept Ans et le traité de Paris en 1763. Elle
consistait du Canada, de l’Acadie et de la Louisiane. Il faut reconnaître que
le vaste territoire de la Louisiane d’autrefois faisait partie de cette même zone,
de ce grand rêve américain à la française, la Nouvelle-France.
Comme
on était lié par la Mississipi, plusieurs de ces Canadiens-français ont suivi
son cours jusqu’à chez nous. Les Ménard et les Larivière parmi d’autres sont
arrivés en Louisiane par cette voie. Parmi eux étaient des coureurs des bois,
célèbres pour leur traite de fourrure avec les Indiens. La différence entre eux
et les Voyageurs, aussi connus comme fournisseurs de peau de bête assouvissant
le grand appétit de la mode de l’époque, c’est que les coureurs des bois ne
possédaient pas de permis de chasse de la part du Roi de France. Notre habitude
de faire la chasse hors saison et sans permission ne date pas d’hier.
En
sautant dans le temps, nous arrivons dans les années soixante. Côté Québec, comme
ailleurs, ce sont des années charnières. La Révolution tranquille est une période
dans l’histoire du Québec marquée par des changements sociaux et politiques
rapides. L’élection de Jean Lesage comme premier ministre en juillet 1960,
suivi par la création de l’Office de la langue française l’année suivante et
celle du Ministre de l’éducation en 1964 sont considérées comme des étapes
décisives. Presque du jour au lendemain, une nouvelle identité s’est forgée,
nourrissant un mouvement séparatiste. L’Exposition universelle de 1967 met
Montréal et tout le Québec sur la scène internationale. Mais l’événement cette année
qui allait faire briller un feu de projecteur sur le Québec a eu lieu le 24
juillet. Le Général De Gaulle, alors président de la République française,
s’est présenté sur un balcon à Montréal lors d’une visite officielle et en
prononçant ces mots, a envoyé une onde de choc : « Vive le Québec!
Vive le Québec libre! ». La phrase a instantanément fait le tour du monde
et a mis le nom du Québec sur toutes les lèvres, à tel point que même les
Chinois, selon le documentaire qui relate cette visite Le Chemin du Roy, ont dû inventer un nouvel idéogramme.
Il
y a probablement un lien solide avec cette déclaration et les débuts du CODOFIL.
Plusieurs témoins de l’époque m’ont raconté l’histoire d’un Français un peu
mystérieux qui était aux côtés du Général à Montréal ce jour-là et qui, peu de
temps après, aurait conseillé M. Domengeaux. J’ai entendu plusieurs versions
différentes. On m’a même affirmé que c’était qui aurait soufflé à De Gaulle ses
paroles légendaires. Il est certain que les activistes louisianais ont entendu
ce cri de cœur et, sans vouloir former un gouvernement séparé comme dans le cas
du Québec, ont été encouragés à poursuivre la lutte pour la survie de la langue
française en Louisiane. Le Québec, représenté par Léo Leblanc, était un des
premiers partenaires, avec la France, à nous envoyer des enseignants dès 1972.
Une délégation québécoise, pas tout à fait un consulat à cause de son statut de
province canadienne mais presque, était présente à Lafayette jusqu’au début des
années quatre-vingt-dix. Depuis lors, on entretient des liens privilégiés avec
le Québec, même si on n’en parle pas autant que de ceux avec la France et
l’Acadie. Le Mississipi est un long fleuve pas toujours tranquille mais il nous
rappelle notre appartenance à cette grande famille nord-américaine francophone.
mercredi 13 mai 2015
Le loup est lâché loose. En honneur de la retraite du Pr. Barry Jean Ancelet
Le
loup est lâché loose
Sur
un samedi soir en Louisiane
C’est Jean Arceneaux
You ought to know
Qui
rôde la campagne
Du
Marais Bouleur
Et
les alentours
De
la Pointe Noire
Aux
Champs-Elysées
Montréal,
Moncton, Dakar et Pointe-à-Pitre
Le
loup-garou de Londres, c’est lui aussi
C’est
lui qui rôdaille à travers le monde bien vite
Mais
c’est pas un loup solitaire
Il
mène une meute de ménestrels
Qui
chante les complaintes des délaissées
Des
orphelins et des soûlards
Un
jour de Mardi Gras tout autour
De
la table ronde
Pour
faire d’autres petits loups tout partout
Le
loup est lâché loose
Asteur
y a yienque qui le tient
Les
dernières chaînes tombent
Comme
la chair tendre des os
D’un
cochon de lait
Il
rôde à travers la campagne
À
chasser les fantômes
De
ces centaines et centaines
De
sacrées lignes
Pour
qu’on parle français à l’école
Et
n’importe éyoù-ce que tu veux ailleurs
Le
loup est lâché loose
Et
avec un cri du bayou
Il
attrape son violon
Enfin
une boîte de cigares
Une
branche de bois inconnu en archet
Et
des fils de bère à maringouin
Qui
ont tout mangé ma belle
Et
joue une tune
Pour
arracher les larmes de tes yeux
Oh
cher bébé
Le
loup est lâché loose
On
connaît pas éyoù-ce qu’il va après
Mais
on connaît qu’il va continuer à emmerder les Américains
Qui
veulent fermer son cercueil et le mettre dans la terre
Mais
il se lève toujours
Pour
demander une autre bière
lundi 30 mars 2015
Dix mots en quête de Louisiane. Publié sur le site www.cousinsdepersonne.com le 20 mars 2015
Dix mots en quête de Louisiane
Amalgame
Derrière le bruit de la foreuse dentaire
Qui tourne cent fois la seconde avec
Un vrouine, vrouine, vrouine qui résonne dans la tête
Charlie Parker, Cool bird, vole autour trente-trois fois la minute
Max Roach bat avec dextérité les 340 coups qui extirpent la douleur
Miles Davis chasse le vers mais c’est l’oiseau qui l’attrape
Le Dr Leblanc comble les caries dans mes dents avec de l’amalgame
Et les carences dans ma culture avec du Scrapple from the apple
Bravo
Le cri du marchand de chars m’a réveillé sans tendresse. « On va soigner ton char comme le char à nous autres ! », hurlait le vieux M. Courvelle pour que le monde achète japonais. J’ai dû m’assoupir un bon bout de temps car la nuit était tombée. Je n’avais pas fermé les rideaux. Je hais la salle de TV avec les rideaux ouverts quand il fait nuit noire dehors. Quand j’étais petit, je m’attendais à ce que le visage du Roux-garou se presse contre la fenêtre si on ne fermait pas à temps. Je sais maintenant que le Roux-garou n’existe pas, mais je me précipite pour serrer les rideaux ensemble dès que le jour baisse. C’est comme la Tataille sous mon lit qui allait attraper ma main si je la laissais dépasser. Il n’y a pas de Tataille, mais ma main ne dépasse jamais.
Avant de me lever pour chasser l’image du Roux-garou, j’essaye d’éteindre la télé, mais je pèse sur le mauvais bouton. Je change de chaîne et tombe sur une émission qui montre deux dames habillées avec des tabliers dans une vieille cuisine. La scène change rapidement vers un extérieur qui m’a l’air vaguement familier. Des chênes couverts de barbe espagnole, des lataniers, un écore de bayou avec une pirogue amarrée au quai. Je reconnais tout de suite la nouvelle série de télé-réalité « Les Vraies Femmes de la Prairie des Femmes ». C’est sur la chaîne Bravo, plutôt destinée à une audience féminine. Une voix off parle de la légende du Roux-garou qui sortait du fond des bayous pour venir dévorer le cœur des enfants pas sages. « C’est une invention de mère pour faire peur aux petits », pensé-je en tirant les rideaux les yeux fermés.
Cibler
Un bruissement de feuillage
Le fusil en joue
Un œil se ferme
L’autre cherche la cible
Grigri
Chaque deuxième samedi du mois, si le temps le permet, un groupe de bénévoles se rassemble pour ramasser les détritus que les gens ont jetés dans les rues et qui finissent dans le bayou. Bon mois, mal mois, ils peuvent remplir quelques douzaines de sacs poubelle entre sept heures et midi. Ils trouvent les choses les plus hétéroclites : ballons de basketball, chauffe-eau, paniers de supermarché, téléviseurs écran plat, sofas, pneus. Si ça se nomme, ils le trouvent dans le bayou.
La chose la plus étrange qu’on découvre de temps en temps, ce sont des petites bouteilles en plastique qui contiennent normalement des médicaments. On les remplit de bouts de papier couverts de gribouillages à peine lisibles. Parfois, c’est seulement un ou deux mots : amour, argent, travail, santé. Des souhaits de bonheur jetés dans l’eau en espérant qu’on ne sait quel loa les exauce. Mais plus rarement, ce n’est pas son propre bonheur qu’on désire, mais le malheur des autres. Alors on écrit sur ces papiers : crise cardiaque, accident de voiture, chute fatale. Quel tort, réel ou imaginé, porte-t-on en soi pour invoquer les esprits contre ses voisins ? Parmi les rebuts de la vie matérielle, on trouve parfois la déchéance spirituelle.
Inuit
Inukshuk nous montre le chemin
Sur la toundra ou sur la prairie
Dans les bayous ou dans la rue
Beaucoup d’hommes perdent le nord
Ne retrouvant plus leur chez soi
L’Inuit sait qu’on peut facilement se perdre
Si on n’a pas de points de repère
En rentrant de la chasse ou de la taverne
Les hommes manquent souvent
Un sens de direction
Kermesse
Notre Dame de Prompt Secours avait sa kermesse chaque année autour du 15 août. La chaleur d’été ne sévissait plus autant (même si la température n’avait pas vraiment baissé) puisqu’on avait enfin une nouvelle distraction en attendant la rentrée des classes. Le Père Massé avait annoncé que cette année pour la vente à l’encan il y aurait une surprise. Les quelques hommes de la paroisse qui commençaient à faire fortune grâce aux puits d’huile faisaient monter les enchères, littéralement, chaque année, souvent pour des articles qu’ils auraient pu acheter au magasin à une fraction du prix. Tout l’argent allait à la paroisse, naturellement. L’année dernière, grâce à une lampe avec un abat-jour aux motifs de cow-boy, le prêtre avait commandé un nouvel autel en marbre d’Italie dans lequel on avait placé un morceau d’os d’un saint. On ne pouvait pas imaginer jusqu’où les prix grimperaient avec un produit de choix.
Les autres articles de la vente ne déviaient pas de la tradition. Une ceinture en cuir du magasin Dads and Lads acheté cinquante piastres, un souper chez Randolph à trente piastres et un nouveau filet de trawl pour cent cinquante piastres. Il est vrai que la pêche aux chevrettes a été particulièrement bonne cette année. Néanmoins, le Père Massé avait bien gardé le secret dans le presbytère jusqu’au moment de la vente. On le vit sortir avec un grand objet carré recouvert d’une toile et marcher jusqu’à l’estrade où M. Thériot annonçait la vente comme chaque année. La foule se pressa devant pour mieux voir ce qui se cachait dessous. Avec un flair inhabituel, le prêtre, austère avec sa coupe de cheveux militaire, retira la couverture tel un magicien pour dévoiler un petit macaque verdâtre dans une cage. Les gens lâchèrent un « ooouuu » collectif à la vue de cet animal exotique. Le prêtre ne put cacher sa satisfaction, d’autant plus qu’il savait que les hommes les plus riches étaient toujours là et qu’ils n’avaient pas encore joué bien gros. Il savait aussi qu’ils avaient passé l’après-midi à boire de la bière.
Le beau-frère de M. Thériot, un certain Valsin Falgout, au bout d’une vingtaine de minutes de lutte épique avec le richissime fils du fondateur du premier chantier naval sur le bayou, finit par remporter le petit macaque contre assez d’argent pour permettre à la paroisse de remplacer les salles de classe de catéchisme. Afin de remercier M. Falgout pour sa générosité, le macaque mourut le lendemain. La plaque sur la façade de la bâtisse avait beau porter le nom de son bienfaiteur, tout le monde l’appelait la maison du macaque.
Kitsch
Elvis en velours
Brillant dans la lumière noire
Sérendipité
Si je n’avais jamais lâché mon stylo, je ne me serais jamais penché pour le ramasser
Si je ne m’étais jamais penché pour le ramasser, je n’aurais jamais vu ton sac à dos sous la table
Si je n’avais jamais vu ton sac à dos sous la table, je n’aurais jamais remarqué tes macarons
Si je n’avais jamais remarqué tes macarons, je n’aurais jamais su que tu aimais Bowie et les Clash
Si je n’avais jamais su que tu aimais Bowie et les Clash, je ne me serais jamais redressé pour chercher ton visage
Si je ne m’étais pas redressé pour chercher ton visage, je ne me serais jamais plongé dans tes yeux
Si je ne m’étais jamais plongé dans tes yeux, je n’aurais jamais eu besoin de mon stylo
Pour écrire notre histoire d’amour
Wiki
« Wiki, wiki » me disait le guide en montant le volcan hawaïen en vitesse
« Wiki, wiki » on va chercher la définition de la beauté en cinq secs
« Wiki, wiki » nos cœurs se battent de plus en plus vite
« Wiki, wiki » la connaissance du monde est au bout des doigts de ceux qui prennent le temps
Zénitude
Printemps jour premier
Fête de la Francophonie
Fleurs du mal s’éclosent
Amalgame
Derrière le bruit de la foreuse dentaire
Qui tourne cent fois la seconde avec
Un vrouine, vrouine, vrouine qui résonne dans la tête
Charlie Parker, Cool bird, vole autour trente-trois fois la minute
Max Roach bat avec dextérité les 340 coups qui extirpent la douleur
Miles Davis chasse le vers mais c’est l’oiseau qui l’attrape
Le Dr Leblanc comble les caries dans mes dents avec de l’amalgame
Et les carences dans ma culture avec du Scrapple from the apple
Bravo
Le cri du marchand de chars m’a réveillé sans tendresse. « On va soigner ton char comme le char à nous autres ! », hurlait le vieux M. Courvelle pour que le monde achète japonais. J’ai dû m’assoupir un bon bout de temps car la nuit était tombée. Je n’avais pas fermé les rideaux. Je hais la salle de TV avec les rideaux ouverts quand il fait nuit noire dehors. Quand j’étais petit, je m’attendais à ce que le visage du Roux-garou se presse contre la fenêtre si on ne fermait pas à temps. Je sais maintenant que le Roux-garou n’existe pas, mais je me précipite pour serrer les rideaux ensemble dès que le jour baisse. C’est comme la Tataille sous mon lit qui allait attraper ma main si je la laissais dépasser. Il n’y a pas de Tataille, mais ma main ne dépasse jamais.
Avant de me lever pour chasser l’image du Roux-garou, j’essaye d’éteindre la télé, mais je pèse sur le mauvais bouton. Je change de chaîne et tombe sur une émission qui montre deux dames habillées avec des tabliers dans une vieille cuisine. La scène change rapidement vers un extérieur qui m’a l’air vaguement familier. Des chênes couverts de barbe espagnole, des lataniers, un écore de bayou avec une pirogue amarrée au quai. Je reconnais tout de suite la nouvelle série de télé-réalité « Les Vraies Femmes de la Prairie des Femmes ». C’est sur la chaîne Bravo, plutôt destinée à une audience féminine. Une voix off parle de la légende du Roux-garou qui sortait du fond des bayous pour venir dévorer le cœur des enfants pas sages. « C’est une invention de mère pour faire peur aux petits », pensé-je en tirant les rideaux les yeux fermés.
Cibler
Un bruissement de feuillage
Le fusil en joue
Un œil se ferme
L’autre cherche la cible
Grigri
Chaque deuxième samedi du mois, si le temps le permet, un groupe de bénévoles se rassemble pour ramasser les détritus que les gens ont jetés dans les rues et qui finissent dans le bayou. Bon mois, mal mois, ils peuvent remplir quelques douzaines de sacs poubelle entre sept heures et midi. Ils trouvent les choses les plus hétéroclites : ballons de basketball, chauffe-eau, paniers de supermarché, téléviseurs écran plat, sofas, pneus. Si ça se nomme, ils le trouvent dans le bayou.
La chose la plus étrange qu’on découvre de temps en temps, ce sont des petites bouteilles en plastique qui contiennent normalement des médicaments. On les remplit de bouts de papier couverts de gribouillages à peine lisibles. Parfois, c’est seulement un ou deux mots : amour, argent, travail, santé. Des souhaits de bonheur jetés dans l’eau en espérant qu’on ne sait quel loa les exauce. Mais plus rarement, ce n’est pas son propre bonheur qu’on désire, mais le malheur des autres. Alors on écrit sur ces papiers : crise cardiaque, accident de voiture, chute fatale. Quel tort, réel ou imaginé, porte-t-on en soi pour invoquer les esprits contre ses voisins ? Parmi les rebuts de la vie matérielle, on trouve parfois la déchéance spirituelle.
Inuit
Inukshuk nous montre le chemin
Sur la toundra ou sur la prairie
Dans les bayous ou dans la rue
Beaucoup d’hommes perdent le nord
Ne retrouvant plus leur chez soi
L’Inuit sait qu’on peut facilement se perdre
Si on n’a pas de points de repère
En rentrant de la chasse ou de la taverne
Les hommes manquent souvent
Un sens de direction
Kermesse
Notre Dame de Prompt Secours avait sa kermesse chaque année autour du 15 août. La chaleur d’été ne sévissait plus autant (même si la température n’avait pas vraiment baissé) puisqu’on avait enfin une nouvelle distraction en attendant la rentrée des classes. Le Père Massé avait annoncé que cette année pour la vente à l’encan il y aurait une surprise. Les quelques hommes de la paroisse qui commençaient à faire fortune grâce aux puits d’huile faisaient monter les enchères, littéralement, chaque année, souvent pour des articles qu’ils auraient pu acheter au magasin à une fraction du prix. Tout l’argent allait à la paroisse, naturellement. L’année dernière, grâce à une lampe avec un abat-jour aux motifs de cow-boy, le prêtre avait commandé un nouvel autel en marbre d’Italie dans lequel on avait placé un morceau d’os d’un saint. On ne pouvait pas imaginer jusqu’où les prix grimperaient avec un produit de choix.
Les autres articles de la vente ne déviaient pas de la tradition. Une ceinture en cuir du magasin Dads and Lads acheté cinquante piastres, un souper chez Randolph à trente piastres et un nouveau filet de trawl pour cent cinquante piastres. Il est vrai que la pêche aux chevrettes a été particulièrement bonne cette année. Néanmoins, le Père Massé avait bien gardé le secret dans le presbytère jusqu’au moment de la vente. On le vit sortir avec un grand objet carré recouvert d’une toile et marcher jusqu’à l’estrade où M. Thériot annonçait la vente comme chaque année. La foule se pressa devant pour mieux voir ce qui se cachait dessous. Avec un flair inhabituel, le prêtre, austère avec sa coupe de cheveux militaire, retira la couverture tel un magicien pour dévoiler un petit macaque verdâtre dans une cage. Les gens lâchèrent un « ooouuu » collectif à la vue de cet animal exotique. Le prêtre ne put cacher sa satisfaction, d’autant plus qu’il savait que les hommes les plus riches étaient toujours là et qu’ils n’avaient pas encore joué bien gros. Il savait aussi qu’ils avaient passé l’après-midi à boire de la bière.
Le beau-frère de M. Thériot, un certain Valsin Falgout, au bout d’une vingtaine de minutes de lutte épique avec le richissime fils du fondateur du premier chantier naval sur le bayou, finit par remporter le petit macaque contre assez d’argent pour permettre à la paroisse de remplacer les salles de classe de catéchisme. Afin de remercier M. Falgout pour sa générosité, le macaque mourut le lendemain. La plaque sur la façade de la bâtisse avait beau porter le nom de son bienfaiteur, tout le monde l’appelait la maison du macaque.
Kitsch
Elvis en velours
Brillant dans la lumière noire
Sérendipité
Si je n’avais jamais lâché mon stylo, je ne me serais jamais penché pour le ramasser
Si je ne m’étais jamais penché pour le ramasser, je n’aurais jamais vu ton sac à dos sous la table
Si je n’avais jamais vu ton sac à dos sous la table, je n’aurais jamais remarqué tes macarons
Si je n’avais jamais remarqué tes macarons, je n’aurais jamais su que tu aimais Bowie et les Clash
Si je n’avais jamais su que tu aimais Bowie et les Clash, je ne me serais jamais redressé pour chercher ton visage
Si je ne m’étais pas redressé pour chercher ton visage, je ne me serais jamais plongé dans tes yeux
Si je ne m’étais jamais plongé dans tes yeux, je n’aurais jamais eu besoin de mon stylo
Pour écrire notre histoire d’amour
Wiki
« Wiki, wiki » me disait le guide en montant le volcan hawaïen en vitesse
« Wiki, wiki » on va chercher la définition de la beauté en cinq secs
« Wiki, wiki » nos cœurs se battent de plus en plus vite
« Wiki, wiki » la connaissance du monde est au bout des doigts de ceux qui prennent le temps
Zénitude
Printemps jour premier
Fête de la Francophonie
Fleurs du mal s’éclosent
vendredi 27 mars 2015
Pâquer les œufs de Pâques: Publié dans Acadiana Profile avril-mai 2015
Pâquer les œufs
de Pâques
Selon
la tradition chrétienne, la période du Carême, les quarante jours entre
Mercredi des Cendres et le jour de Pâques sans compter les dimanches, est
marquée par l’abstinence et l’abnégation en préparation de la Résurrection de
Jésus-Christ. Chacun sait que la viande est strictement interdite le vendredi
pendant ce temps, comme c’était le cas autrefois pour tous les vendredis de
l’année. Au Moyen-âge, les Catholiques devaient « faire jours
maigres », c’est-à-dire journée sans viande, le mercredi aussi, et ce
toute l’année. De nos jours, et surtout dans l’Acadiana où les fruits de mer
sont si abondants et succulents, on peut penser que ce n’est pas un grand
sacrifice de remplacer un sandwich au jambon avec cinq livres d’écrevisses
bouillies, à tel point que le Pape François a dû rappeler à ses ouailles l’esprit
de pénitence qui doit accompagner le jeûne pascal. C’est un temps de réflexion
sur le sens de notre mortalité et sur le renouvellement de l’esprit.
Mais
qu’est-ce que toutes ces questions religieuses et philosophiques ont à voir
avec des œufs? La prochaine fois que vous mangez un gombo de marécage avec des
œufs durs dedans, sachez que jadis les œufs étaient interdits aussi pendant le
Carême. Les Chrétiens ne pouvaient pas les manger, mais on ne pouvait pas
empêcher les poules de les pondre. Afin de ne rien gaspiller, les fermiers les
faisaient bouillir et les garder jusqu’à Pâques. En plus du symbolisme associé
avec la renaissance de la vie au printemps, les œufs jouaient un rôle pratique
dans l’observation de la fin du Carême. Qui n’a pas participé aux chasses aux
œufs cachés dans les trèfles bourgeonnant à cette époque de l’année, d’abord
comme chasseur, plus tard comme cacheur? Aussi, à la Maison Blanche, le
Président et sa famille invitent d’autres familles à rouler des œufs sur le
gazon. La tradition veut que ce soit Dolly Madison qui ait inauguré la pratique
en 1814, non pas à la Maison Blanche bien sûr, mais devant le capitole. Cet événement
était abandonné et repris plusieurs fois avant de se faire rétablir
définitivement par Mamie Eisenhower.
Avec
notre tendance en Louisiane de ne pas faire comme les autres, on peut aisément
croire que le « pâquage » n’est qu’une autre particularité de chez
nous. Il consiste d’un combat de deux adversaires, chacun muni d’un œuf dur
coloré. L’un tient son œuf au-dessus de l’autre et on cogne les pointes
ensemble. L’objectif est de briser la coquille de son concurrent. On le fait un
peu partout en Acadiana, mais les villes de Cottonport et de Marksville, au
sommet du triangle, organisent des concours le weekend de Pâques. Dans
plusieurs villes, notamment à la Ville Platte, on prend cette coutume très au
sérieux. Certains commencent à faire bouillir des œufs des semaines à l’avance
et s’entrainent comme des athlètes de haut niveau. Ce n’est pas du jamais vu
que certains essaient de tricher en mettant du vernis sur la coquille ou même
en utilisant des pierres en forme d’œuf!
Et
pourtant non, les batailles d’œufs ne sont pas particulières au sud de la
Louisiane. Elles remontent à la nuit des temps et ne sont pas uniquement
associées au christianisme. Le séder de Pessa’h peut avoir la distribution
d’œufs durs qui vont finir en armement succédané à la fin du repas. Dans la
ville d’Assam en Inde, elles s’appellent Koni-juj.
Elles se pratiquent également à travers l’Europe. En Grèce, c’est tsougrisma et aux Pays-Bas, les enfants
se battent dans un jeu de eiertikken. Dans
les trois cas, on peut traduire les noms plus ou moins par « taper des
œufs ». En français louisianais, l’origine de l’expression « pâquer
des œufs » est plus difficile à cerner. On peut croire qu’avec son
association pascale, on a simplement converti le nom de la fête religieuse en
verbe. Ce n’est pas impossible, mais je crois que l’explication la plus
plausible est qu’il vient du son que font les œufs quand ils se cognent. Pour
les plus compétitifs, c’est le son de la victoire quand ça fait craquer
l’autre. La pression de gagner est énorme; c’est presqu’une question de vie ou
de mort, ce qui est quand même dans l’esprit de la célébration de la
Résurrection.
lundi 2 février 2015
Un Conte de deux Mardi Gras
Un
Conte de deux Mardi Gras - publié en Acadiana Profile février-mars 2015.
Si
c’était un hasard que Cavelier de la Salle trouve l’embouchure du Mississipi et
prenne possession des terres drainées par ce fleuve en les nommant Louisiane d’après
Louis XIV, le Roi-Soleil, et qu’un jour de Mardi Gras, le 3 mars 1699, Iberville
l’établisse comme colonie française, c’est que parfois le hasard fait bien les
choses. Depuis lors, notre état vit sous le signe des visions de grandeur et des
frasques du carnaval. Cette fête ancienne qui remonte au Moyen-Âge est sans
doute la première image qui vient à l’esprit des gens d’extérieur quand on
évoque notre nom. Le faste associé avec les derniers jours avant la saison solennelle
du Carême attire le monde entier vers la Louisiane dans l’espoir de vivre des
émotions insolites et peut-être attraper un collier Made in China ou deux, voire, pour les plus chanceux, une noix de
coco. Masqué ou pas, chacun prend une nouvelle identité avant de reprendre le
train-train quotidien. Mais ce n’est pas qu’un aspect d’une fête qui joue sur
l’ambiguïté.
Jean
de La Fontaine, un poète français du XVIIe siècle, est connu pour ses Fables. Une des plus connues, Le Rat de ville et le Rat des champs,
joue sur un thème fort connu; la morale de cette histoire de la rencontre d’un
campagnard et d’un citadin est que la vie rustique est préférable à la vie
urbaine. On retrouve ce motif un peu partout en littérature, mais en Louisiane,
nous avons une version qu’on peut voir, toucher, sentir et même y participer
chaque année. Mais dans ce cas, la morale est un peu différente car il n’est
pas certain, selon les goûts, laquelle des deux versions est la meilleure. On a
le choix.
Le Carnaval de la Nouvelle-Orléans,
la Ville en français louisianais, avec ses flottes, ses fanfares et ses
costumes extravagants, sert d’exemple à plusieurs municipalités à travers
l’état. Les Krewes, ces groupes qui organisent non seulement les parades, mais
les bals somptueux qui les accompagnent, n’épargnent aucune dépense dans la
poursuite de cette folie annuelle. Même dans le grand nord à Shreveport, on a des
défilés où la foule se presse pour attraper les bébelles jetées du haut des
chars allégoriques en saluant leur roi d’un jour. Dans le lointain passé, comme
on le voit dans Notre Dame de Paris,
où Victor Hugo couronne Quasimodo, le roi était celui qui venait des plus bas
rangs de la société, inversant l’ordre social en soupape de secours du peuple.
De nos jours, la royauté carnavalesque vient des couches supérieures, inversant
l’inversion.
Dans
les prairies du sud-ouest, le courir du Mardi Gras, une tradition qui était
presque perdue et ramenée de l’oubli par Revon Reed, Fred et Paul Tate à Mamou,
le spectacle est inversé. Au lieu d’un défilé qui passe devant une foule agitée
mais immobile, les « coureurs » -- en réalité à cheval et suivis par
des musiciens dans un wagon tiré par des tracteurs -- avec leur célèbre capuchon,
leurs cris de « cinq sous » et menés par le capitaine, vont de maison
en maison pour quémander les ingrédients d’un gombo communal, tout en chantant
« La Chanson des Mardi Gras ». Les spectateurs qui essayent de rester
en marge sont vite absorbés dans la fête; soit appelés à contribuer financièrement
soit obligés d’improviser un pas de danse, ils se joignent à la célébration. Si
c’est un matin brumeux, on peut facilement se croire transporté aux temps des
cathédrales.
Un
jour j’ai vu Mardi Gras en Haïti qui, de mon point de vue louisianais, était un
mélange de nos deux célébrations. J’étais dans la capitale de Port-au-Prince
quand j’entends arriver de loin une joyeuse musique et les cris et chants d’une
foule en liesse. Bientôt je vois une flotte comme chez nous, transportant des
musiciens en train de jouer des chansons aux rythmes endiablés des îles. Au
lieu de passer devant des spectateurs rangés au bord du chemin, la flotte était
entourée des centaines de danseurs et d’autres fêtards qui suivaient à travers
la ville. Quelle que soit votre préférence, la ville, la campagne ou une
combinaison des deux, nous sommes tous invités au bal de Mardi Gras.
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